La communication est l’un des facteurs clés de la coexistence pacifique et de la paix. La capacité à exprimer son opinion de manière calme et cultivée représente une nécessité et une valeur de plus en plus importantes et il convient de la cultiver. Cela est vrai tant au sein de la famille comme au sein de la société dans son ensemble. Dans un monde de plus en plus polarisé, il est primordial de s’interroger sur ce que nous pouvons faire afin que nos réunions ne soient pas l’occasion d’une escalade des conflits, mais plutôt une recherche de moyens pour se comprendre mutuellement.
Le projet EPIC (Enabling Positive Intrafamily Communication) offre une réponse à cette question.
Voici un résumé de ses piliers de base.
La société mondialisée d’aujourd’hui se caractérise par une grande diversité de cultures, de nationalités, de religions et de catégories sociales. Le milieu familial, commet le contexte social et culturel dans lequel nous avons grandi, façonnent en grande partie notre vision du monde.
D’une part, ce phénomène constitue une opportunité d’enrichissement mutuel mais, d’autre part, il s’accompagne souvent d’un certain nombre de défis que nous devons relever si nous voulons créer ensemble une société meilleure.
La raison de ces affrontements est souvent liée à une incapacité de communiquer, de se mettre à la place de l’autre et de voir le monde à travers les yeux de ce dernier. Une méconnaissance des bonnes techniques de communication conduit alors à des conflits destructeurs qui nous séparent encore plus les uns des autres au lieu de nous en rapprocher.
La raison des conflits mutuels est souvent l’incapacité à communiquer, à se mettre à la place de l’autre et à voir le monde à travers ses yeux.
La première mesure à prendre pour se rapprocher les uns des autres est de faire éclater les bulles dans lesquelles nous évoluons, de sortir de notre propre zone de confort et de rencontrer des personnes issues d’horizons sociaux, culturels et d’opinions différents. À travers un dialogue mutuel, nous pouvons élargir notre vision du monde, souvent étriquée. C’est pour répondre à ce besoin qu’a été créé le projet EPIC, fruit d’une collaboration entre l’association Humanité Nouvelle et le mouvement des Focolari en Autriche, en Allemagne, en Slovaquie, en Slovénie et en Suisse.
Au cours des deux années écoulées, trois séminaires de cinq jours ont été organisés – en Allemagne, en Slovaquie et en Slovénie – chacun d’entre eux se concentrant sur un élément du contexte des relations et de la communication. Le premier séminaire, qui s’est tenu à Bickenried, en Allemagne, et auquel ont participé plus de quarante personnes venues de différents pays du monde, était axé sur l’apprentissage de techniques de communication utilisées dans la résolution des conflits, l’explication des principes de la communication fondée sur le respect, la compréhension du processus de médiation et l’utilisation d’outils de communication non violente.
Ce n’est que lorsque nous apprenons à lire entre les lignes et à déchiffrer les non-dits que nous pouvons vraiment nous rapprocher d’une autre personne.
L’un des personnages cités lors de ce séminaire était celui du psychologue Marshall Rosenberg, pionnier et créateur du concept de la communication non violente. Ce concept repose sur le principe que nous avons tous les mêmes besoins, même si nous avons souvent des différences dans la manière dont nous essayons de les satisfaire et dans celle dont nous les manifestons à ceux qui nous entourent.
Souvent, nous ne réalisons pas à quel point notre capacité à faire preuve d’empathie et à comprendre ce que l’autre personne a à dire ainsi que les besoins qui se cachent derrière ses mots joue un rôle important dans nos interactions avec les autres. Ce n’est que lorsque nous apprenons à lire entre les lignes et à entendre le non-dit que nous pouvons vraiment nous rapprocher d’une autre personne. En nous formant à la communication non violente, nous parviendrons à mieux nous comprendre et à mieux comprendre ceux qui nous entourent et nous serons capables d’acquérir des attitudes qui nous permettront de renforcer et d’approfondir nos propres relations.
Le deuxième séminaire, qui s’est déroulé à Bratislava, était consacré à la résolution des conflits dans les relations entre conjoints. Les invités étaient des couples mariés qui ont partagé des expériences découlant de leur propre vie. Dans leurs témoignages, ils ont présenté les crises qu’ils ont traversées au cours de leur vie commune ainsi que ce qui les a aidés à les surmonter. Cornelia et Andreas Bolkart, de Suisse, ont souligné que dans les conflits, il est important de découvrir l’enfant blessé présent dans le partenaire, qui tend à réagir face à une situation du passé qui n’a pas été traitée.
C’est en embrassant ses blessures les plus profondes que le processus de guérison peut débuter et c’est de cette manière que les blessures qui sont au cœur de la douleur peuvent devenir un espace de guérison.
Il peut s’agir d’une blessure subie dans l’enfance, blessure que nous avons mise à l’écart et pour laquelle nous avons développé des mécanismes de défense efficaces qui nous protègent contre d’autres douleurs, mais qui agissent également comme un bouclier qui nous empêche de laisser les autres entrer dans notre vie. Cependant, cette cicatrice subie dans l’enfance est toujours présente dans nos réactions et elle refait surface dans nos interactions avec notre conjoint(e).
Par exemple, si l’on nous a dit dans notre enfance que nous ne serions jamais à la hauteur et lorsque plus tard nous entendons des paroles similaires de la part d’un partenaire, cela touche un point sensible en nous, et sans être en mesure de l’expliquer, nous réagissons violemment.
Ce n’est que lorsque nous osons nous montrer vulnérables face à l’autre et que nous laissons tomber tous nos masques que nous pouvons commencer un processus de changement. Ce n’est que lorsque nous parvenons à nommer cette blessure qui nous fait souffrir que ce « monstre qui nous menace » perd de son pouvoir et que nous commençons à comprendre que le fait de se faire mutuellement des reproches constitue une voie sans issue. C’est en assumant nos blessures les plus profondes que le processus de guérison peut commencer et, en fin de compte, les blessures qui ont été au cœur de la douleur peuvent devenir un lieu de guérison et de croissance dans l’amour.
Tant que la volonté de travailler sur la relation est présente entre les deux conjoints, il est toujours possible de trouver un moyen de se rejoindre.
Tomáš et Katka Lenczovci, un couple de Slovaques, ont partagé leur expérience personnelle dans le cadre de la version slovaque du programme Percorsi di Luce (Parcours de lumière) qui s’adresse aux couples traversant une période difficile dans leur vie de couple. Ce programme s’adresse aussi aux couples qui souhaitent approfondir leurs relations et retrouver une plus grande unité entre eux. Suite à plusieurs années de travail avec des couples confrontés à une crise conjugale, Tomáš et Katka ont souvent été témoins du fait que même des conjoints qui ne voyaient pas d’autre issue que le divorce parvenaient à se rapprocher l’un de l’autre et à renouer avec l’amour.
Ce sont des exemples comme celui-ci qui démontrent que, dans la mesure où il y a au moins un début de volonté de travailler sur la relation entre les deux partenaires, il reste toujours possible de reprendre le fil de leur histoire commune.
Le dernier séminaire du projet EPIC s’est déroulé en Slovénie. Il s’est concentré sur l’impact des nouvelles technologies et des risques liés à leur utilisation dans le monde d’aujourd’hui. Au-delà de la grande disponibilité des informations, de la diffusion de canulars et de contenus indécents, ces technologies interfèrent souvent dans nos vies personnelles et dans nos relations. Le groupe le plus vulnérable est celui des enfants et des adolescents, qui se trouvent à un moment délicat où ils se façonnent une vision du monde et où ils définissent les fondements des valeurs sur lesquelles ils pourront se développer et s’appuyer tout au long de leur vie.
La tentation de s’évader dans la réalité virtuelle et le monde des réseaux sociaux est de plus en plus forte par comparaison avec la nécessité de faire face aux problèmes réels et de se prendre en main.
Il est d’autant plus important que les jeunes soient préparés et capables de relever ces défis. L’un des plus grands défis consiste à gérer le temps que les jeunes passent en ligne. La tentation de s’évader dans la réalité virtuelle et le monde des réseaux sociaux devient de plus en plus forte comparativement au fait de devoir affronter les problèmes réels et au fait de prendre sa vie en main. Or, c’est précisément la nécessité d’assumer la responsabilité de ses actes et de leurs conséquences qui fait mûrir les enfants et qui leur fait acquérir une personnalité plus mature.
Après tout, nous aussi, en tant qu’adultes qui avons grandi dans un monde sans téléphone portable et sans internet, nous devons souvent constater que notre temps libre se limite à la navigation sur les réseaux sociaux et en procédant de la sorte, nous évitons les problèmes dans les relations réelles en surfant sans but dans le monde virtuel.
À la fin du projet EPIC, un manuel accessible au public sera publié, et ce manuel présentera un résumé des techniques de communication et des meilleures pratiques présentées lors de ces ateliers. L’objectif est de rendre ce manuel accessible au grand public afin que les utilisateurs puissent ensuite acquérir des compétences nouvelles, pour ensuite les appliquer à leurs relations et ainsi transformer le milieu dans lequel ils vivent. Ce n’est que lorsque nous serons capables de nous écouter les uns les autres et d’apprendre à nous engager dans un dialogue enrichissant que nous pourrons poser les jalons d’un avenir où les conflits déboucheront sur des solutions constructives ainsi, en créant un processus de rapprochement mutuel, plutôt que qu’une surenchère et un clivage toujours plus présents.
Mária Kostyálová , 07. 10. 2023
Mária Kostyálová a suivi des études interdisciplinaires sur l’histoire et la politique de la Russie et de l’Europe de l’Est à l’université de Vienne. Elle est actuellement un membre actif de la Communauté de Sant’Egidio. Pour la revue nouvelle cité de la Slovaquie, elle s’intéresse principalement aux questions sociales et à la psychologie.